La semaine s’achève au plus grand bonheur de Drew, qui ne demandait rien d’autre qu’un moment de paix. Il s’est passé tant de choses en l’espace de quelques jours qu’il se sent plus épuisé que jamais en ce vendredi soir, alors qu’il en a fait moins que d’habitude, concrètement. Il rentre plus tôt qu’il n’en a l’habitude, aux alentours de dix-huit heures et refuse toutes les offres de ses amis d’aller passer la soirée à tel ou tel endroit pour évacuer le stress de la semaine et fêter le week-end tant attendu. À vrai dire, à peine a-t-il mis les pieds dans l’appartement qu’il va s’enfermer dans sa chambre, se laisse tomber sur son lit tout habillé et reste là sans bouger une bonne vingtaine de minutes à regarder le plafond. Ce qu’il contemple vraiment, plus que le plâtre blanchâtre, ce sont les pensées qui se précipitent dans son crâne dans une danse au rythme infernal qu’il ne peut même pas prétendre suivre. Évidemment, ce soir encore, Julian occupe le rôle principal dans la plupart d’entre elles. C’est tout ce qui s’est passé entre eux cette semaine que Drew trouve le plus accablant. Non pas que ce soit négatif, au contraire. Ça le rend presque malade tellement c’est ridicule et cliché, mais depuis deux jours, Drew a réellement ces putains de papillons dans le ventre chaque fois qu’il se met à penser à l’homme. Chaque fois qu’il repense aux messages échangés sur Tinder, à la soirée qu’ils ont passé ensemble… ça le rend heureux autant que ça le désespère.

Ses pensées agitées filent d’une idée à l’autre, jusqu’à ce que le jeune homme ne se surprenne à sortir son téléphone de sa poche. Il ouvre Tinder, va directement sur le profil de Julian qu’il étudie scrupuleusement pour la millième fois au moins, laisse son doigt flotter, hésitant, au-dessus de leur conversation deux ou trois secondes, mais décide finalement de fermer l’application sans le contacter. Il le fera, probablement ce soir, peut-être seulement demain - il a bien conscience qu’il ne tiendra pas tout le week-end sans entrer en contact avec lui. Pour l’instant, il veut surtout se calmer, alors il ouvre plutôt une page internet et file droit sur le forum LGBT sur lequel il s’est inscrit sous le pseudo - pas son meilleur moment - de ConfuddledAF. Ça manque d’originalité, mais le message est clair. En constatant qu’il a message privé, il abandonne l’idée de se mettre à jour sur les derniers messages postés et s’intéresse plutôt à qui cherche à lui parler. Ni_Ice83. L’un des rares avec qui Drew a eu de vraies conversations sur ce forum, en dehors du seul sujet qu’il ait eu le cran d’ouvrir pour raconter une partie de son histoire, de ses problèmes. Le message de l’autre garçon est plutôt simple, rien de très profond pour l’instant, mais il laisse la porte ouverte pour que Drew expulse tout ce qui encombre son esprit. Il appuie sur répondre aussitôt qu’il a fini de lire les quelques lignes.

Il tape une première phrase d’une seule traite. La suite lui pose plus de problème. Il n’est pas hyper à l’aise à l’idée de trop en dire sur ce qui se passe dans sa vie, mais il en a vraiment besoin. Alors, il hésite, tape quelques mots de plus, les efface rapidement et recommence deux fois avant de s’en sortir avec un message qui lui convient à peu près et qu’il se sent à l’aise d’envoyer. Le pire moment arrive ensuite, quand le message est parti, qu’il faut attendre une réponse. Ce n’est pas le soir pour les angoisses, Drew est bien assez agité comme ça, mais c’est trop tard.

“Salut ! Ca peut aller, merci. Désolé pour le silence, dure semaine de mon côté aussi. Je me suis enfin décidé à inviter ce type dont je t’ai parlé. On est sorti ensemble mercredi soir, c’était… Génial, en fait. Le meilleur rencard de ma vie ? Et maintenant, je panique ? Genre, vraiment. BREF ! Quoi de neuf pour toi ?”