Travailler de nuit devient un fardeau. Finalement, je suis partagé. Peut-être que ça ne l’est pas tant que ça. D’un côté si, parce que je laisse ma princesse avec qui je pourrais passer du temps même si ses yeux se ferment tout seuls à partir de 20h30. Mais d’un autre côté, je ne me retrouve pas seul avec Bea. Nous ne discutons pas vraiment en ce moment, nous sommes assez froid l’un envers l’autre et je sais qu’à un moment ça va péter, qu’à un moment on va devoir se parler. Nous nous parlerons comment ? Combien de temps ? Je ne sais pas, on a l’habitude de cacher nos problèmes en finissant tous les deux dans notre lit conjugal. Par là, on se prouve qu’on s’aime, on se dit que ce n’est pas finis. Mais il n’y a plus le coeur qui bat trop fort comme dans les premières années. Il y a plein de sentiment qui ne sont plus là. Je n’aime plus le travail de nuit mais quelques fois je le remercie.

Il ne fait pas froid ce soir, alors pour prendre l’air et me retrouver seul avec mes pensées, je me suis mis dehors. Je n’y resterais pas longtemps mais la nuit devient ennuyeuse quand il ne se passe rien. A croire que j’espère un accident, un incendie, quelque chose pour qu’on s’occupe une heure ou deux. C’est stupide de vouloir le malheur des gens, non ? Un livreur de pizza se gare devant l’entrée de la caserne. Voyant que je le regarde, il me salut. Je fais de même. Je suis son trajet des yeux pour savoir qui a commandé une pizza. Encore un des gars qui va se plaindre qu’il n’arrive plus à courir plus de deux cent mètre ? Non. C’est Layla qui accueille l’homme. Un sourire naît sur mon visage. Mon coeur s’emballe quelques instants et honteux de cette réaction physique, je veux baisser le regard mais cramer, elle a déjà les yeux sur moi. Je lui offre un sourire et elle me désigne la pizza, comme un appel pour partager un peu de notre temps. Ma conscience me dit de rester encore un peu dehors, mon coeur m’oblige à aller la rejoindre. Puis de toute façon, ce n’est qu’une pizza que l’on va partager, rien de plus. Je n’ai besoin de rien de plus de sa part, juste son joli sourire. D’un signe de tête je lui dis que j’arrive. Je suis sûr que je devrais rester dehors mais comme par hasard, mon estomac commence à crier famine. Je décide donc de la rejoindre avant que notre plat devienne froid. Je suis ses pas et débarque dans notre salle de repos.
— J’espère que tu as pris chèvre-miel et surtout pas d’ananas !

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Layla. Tout m’attire chez elle. C’est pour ça que lorsqu’elle me fait signe de l’accompagner je n’arrive pas à rester éloigné d’elle. Comme je me dis, ce n’est qu’une simple pizza partagé entre deux collègues. De toute façon, c’est difficile de résister à Layla. Dès son arrivée, j’ai remarqué ce petit quelque chose que les autres n’ont pas. Elle fait naître en moi un bonheur que je n’ai pas connu depuis longtemps en présence d’une femme. J’aime sans aimer et c’est comme si j’avais perdu la définition du verbe aimer. Non. Je n’aime pas Layla. Du moins j’espère ne pas l’aimer parce que je sais que ça me mettrai plus dans la merde que je le suis déjà. Mais est-ce que c’est bon de rester avec quelqu’un qu’on aime plus ? Pour notre fille oui, c’est bien. C’est ce que je dois faire, rester avec la mère de mon enfant. Quand j’arrive dans la pièce où se trouve Layla, un tas de ce genre de pensées divaguent dans ma tête et je suis à la limite d’oublier sa présence avec moi. Layla me donne envie d’aller vers l’interdit, vers ce que je n’ai pas le droit, pourtant je ne dois pas. Puis, elle est plus jeune. Oui, restons sur le fait qu’elle est plus jeune. Pour rire, je lui demande si elle a pris chèvre-miel, clairement le meilleur mélange pour une pizza. Je ne m’attends pas à ce qu’elle me réponde que c’est ce parfum-là de pizza qu’elle a commandé. Elle m’assure que c’est sa pizza préférée et je ne peux m’empêcher de retenir un rire.

Elle nous a préparé deux verres, deux serviettes et la pizza est placée entre nous. Je prends place en face d’elle et par politesse je la laisse se servir en première. C’est tout de même elle qui l’a commandé. La prochaine fois que l’on sera sur le terrain tous les deux la nuit, ce sera à mon tour, je lui dois bien ça. A voir si on reste sur le chèvre-miel qui est dorénavant une valeur sûre, ou si on tente quelque chose d’autre. Je ne sais pas si elle est de ce genre-là. Personnellement, avec elle, je le serais. Vu sa tête quand elle déguste une première bouchée de sa part, j’ai déjà hâte de voir son visage se décomposer si elle tombe sur un bout d’ananas caché. Puis, je préfère la laisser goûter en première, comme ça, s’il y a un problème, moi je ne prends aucun risque. Mais son plaisir à manger me dit que je peux me laisser tenter à mon tour. Je la remercie du verre d’eau qu’elle me sert et je prends à mon tour une part. Alors qu’elle me demande comment je vais, je ne laisse pas ma part refroidir et en prend une bouchée. Suspense ? Non, en vrai, ça me laisse aussi le temps de choisir quoi lui répondre. Après tout, ce genre de question ouverte peut mener à tout. Est-ce qu’elle a envie de savoir que je suis fatigué ? Est-ce que c’est mieux de lui dire que tout va pour le mieux, quitte à mentir ?
— Ca va, dis-je dans un haussement d’épaule, cependant je doute que ça lui suffise. J’aime bien quand c’est calme, mais je t’avoue que je préfère quand on a à bouger. J’ai l’impression de ne moins perdre mon temps.
Moi aussi je veux qu’elle me parle, qu’elle me dise si tout va bien pour elle, quitte à ce qu’elle me mente, est-ce que je le remarquerais si elle le faisait ?
— Et toi ? Comment tu vas ?

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